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26/07/2016

"L’horreur de son sacrilège vient de ce qu'il profane non un lieu ou un vase saint, mais un corps qui est la source de toute sainteté, qui est celui de Jésus-Christ."

« A l'heure de la mort, Jésus-Christ descendra, un flambeau à la main, dans ces cœurs sacrilèges, y trouvera son sang adorable tant de fois profané, qui criera vengeance. O divin Sauveur, la colère et la puissance de votre Père sera-t-elle assez puissante pour foudroyer ces malheureux Judas au plus profond des abîmes ? »

╬ En pieux hommage au Père Jacques Hamel ╬

(30 novembre 1930 – 26 juillet 2016)

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«  […] Oui, M.F., le sacrilège paraît si affreux qu'il semble impossible que des chrétiens puissent se rendre coupables d'un tel crime ; et cependant, rien de si commun. Jetons un coup d’œil sur les communions, combien ne trouverons-nous pas de confessions et de communions faites par respect humain ! Combien par hypocrisie, par coutume ! combien que, si les Pâques ne revenaient que tous les trente ans, ils ne communieraient, hélas ! jamais... Combien d'autres, qui ne voient venir ce temps si précieux qu'avec peine, et qui ne s'en approchent que parce que d'autres le font, et non pour plaire à Dieu et nourrir leur pauvre âme. Preuve bien évidente, M.F., que ces confessions et communions ne valent rien, puisque l'on ne voit point de changement dans leur manière de vivre. Les voit-on après la confession plus doux, plus patients dans leurs peines et les contradictions de la vie, plus charitables, plus portés à cacher et à excuser les fautes de leurs frères ? Non, non, M.F., il n'est plus question de changement dans leur conduite ; ils ont péché jusqu'à présent, ils continuent. Oh ! malheur épouvantable, mais bien peu connu du plus grand nombre des chrétiens ! O mon Dieu, auriez-vous pu penser que vos enfants se portassent avec un tel excès de fureur contre vous ? Non, non, M.F., ce n'est pas sans raison, que l'on place un crucifix sur la table de la communion, hélas ! que de fois il est crucifié à la Table sainte ! Regarde-le bien, mon âme, toi qui oses planter le poignard dans ce cœur qui nous a aimés plus que lui--même ; regarde-le bien, c'est ton Juge, Celui qui doit fixer ta demeure pour l'éternité. Sondez bien votre conscience ; si vous êtes en mauvais état, malheureux, n'avancez pas. Oui, Jésus-Christ est ressuscité de la mort naturelle, et il ne mourra plus ; mais cette mort que vous lui donnez par vos communions indignes, ah ! quand est-ce qu'elle finira ? O quelle longue agonie ! étant sur la terre, il n'y avait qu'un calvaire pour le crucifier ; mais ici, autant de cœurs, autant de croix où il est attaché ! O patience de mon Dieu, que vous êtes grande, de souffrir tant de cruautés sans dire un seul mot, même pour vous plaindre, étant traité si indignement par une vile créature, pour laquelle vous avez déjà tant souffert ! Voulez-vous, M.F., savoir ce que fait celui qui communie indignement ? écoutez-le bien, afin que vous puissiez comprendre la grandeur de votre atrocité envers Jésus-Christ. Que diriez-vous, M.F., d'un homme dont le père serait conduit dans un lieu pour être exécuté à mort, si, ne se trouvant point là de potence pour l'attacher, il s'adressait aux bourreaux, leur disant : Vous n'avez point de potence, voilà mes bras, servez-vous-en pour y pendre mon père ? Vous ne pourriez voir une telle action de barbarie sans frémir d'horreur, il y aurait sans doute bien de quoi. Eh bien ! M.F., si j'osais, je vous dirais que cela n'est encore rien, si nous le comparons au crime épouvantable que commet celui qui communie indignement. En effet, quels sont les bienfaits qu'un père a faits à son enfant, si nous les comparons à ce que Jésus-Christ a fait pour nous ? Dites-moi, M.F., si vous faisiez ces réflexions avant de vous présenter à la Table sainte, auriez-vous le courage d'y aller sans bien vous examiner ce que vous allez faire. Oseriez-vous bien y aller avec des péchés cachés, déguisés, confessés sans contrition et sans désir de les quitter ? Voilà ce que vous dites au démon, lorsque vous êtes si aveugles et si téméraires : Il n'y a ni croix, ni calvaire comme autrefois ; mais j'ai trouvé quelque chose qui peut y suppléer. – Quoi ? vous dit le démon, tout étonné d'une telle proposition. – C'est, lui dites--vous, mon cœur. Tenez-vous prêt, je vais me saisir de lui ; il vous a précipité dans les enfers, vengez-vous à votre tour, égorgez-le sur cette croix. – O mon Dieu, peut-on penser à cela sans frémir d'horreur ? Cependant, voilà ce que fait celui qui communie indignement. Ah ! non, non, jamais l'enfer dans toute sa fureur n'a rien pu inventer de semblable. Non, non, quand il y aurait mille enfers pour un seul profanateur, cela ne serait rien, si nous le comparons à la grandeur de son crime. « Que fait, nous dit saint Paul, celui qui communie indignement ? Hélas ! ce malheureux, il boit et mange son juge et son jugement. » L'on a bien vu, selon les lois, lire aux criminels leur condamnation, mais a-t-on jamais vu leur faire manger leur sentence de condamnation, et, de cette sorte, de leur condamnation et d'eux--mêmes ne faire qu'une même chose ? O malheur épouvantable ! ce n'est plus sur du papier qu'est écrit l'arrêt de réprobation de ces profanateurs, mais sur leur propre cœur. A l'heure de la mort, Jésus-Christ descendra, un flambeau à la main, dans ces cœurs sacrilèges, y trouvera son sang adorable tant de fois profané, qui criera vengeance. O divin Sauveur, la colère et la puissance de votre Père sera-t-elle assez puissante pour foudroyer ces malheureux Judas au plus profond des abîmes ? Eh bien ! M.F., avez-vous compris ce que c'est qu'une communion indigne, vous qui vous confessez avec si peu de préparation, qui y donnez moins de soins que vous n'en donneriez pour l'affaire la plus commune et la plus indifférente ? Dites-moi, M.F., pour être tranquilles comme vous le paraissez, êtes-vous bien sûrs que toutes vos confessions et vos communions ont été accompagnées de toutes les dispositions nécessaires pour être bonnes et mettre votre salut en sûreté ? Avez-vous bien détesté vos péchés ? Les avez-vous bien pleurés ? En avez-vous bien fait pénitence ? Avez-vous bien pris tous les moyens que le bon Dieu vous a inspirés pour n'y plus retomber ? Revenez, mon ami, sur vos années passées, examinez toutes les confessions et communions qui n'ont été accompagnées d'aucun amendement, point de changement dans votre vie. Prenez le flambeau à la main, vous--même, pour voir l'état de votre âme, avant que Jésus-Christ ne vous le fasse voir lui-même pour vous juger et vous condamner pour jamais. Frémissez, M.F., sur cette grande incertitude de la validité de tant de confessions et de communions ; une seule chose doit vous empêcher de tomber dans le désespoir, c'est que vous êtes en vie et que le bon Dieu vous offre sa grâce pour vous tirer de cet abîme dont la profondeur est infinie, et que pour cela il ne faut rien moins que la puissance d'un Dieu. Hélas ! M.F., que de chrétiens qui maintenant brûlent dans les enfers, qui ont entendu les mêmes choses que vous entendez aujourd'hui, mais qui n'ont pas voulu en profiter, quoique leur conscience criait ! Mais, hélas ! ils n'ont voulu en sortir que quand ils n'ont pas pu, et sont tombés dans les enfers. Hélas !combien parmi ceux qui m'écoutent qui sont de ce nombre, qui auront le même sort ! Mon Dieu, est-il bien possible de connaître son état et de ne pas vouloir en sortir. – Mais, me direz-vous, qui osera donc s'approcher de la Table sainte, et qui osera espérer d'avoir fait une bonne communion dans sa vie ? Pourra-t-on bien se lever pour aller à la Table sainte, ne va-t-il pas sembler qu'une main invisible va me repousser et me frapper de mort ? – Mon ami, pour cela je ne vous en dis rien ; sondez votre conscience, et voyez dans quel état elle est ; voyez si en sortant de la Table sainte vous paraîtriez avec confiance devant le tribunal de Jésus-Christ. -Mais, me direz-vous, il vaut mieux tout laisser que de s'exposer à un tel crime. – Mon ami, en vous donnant une idée de la grandeur du sacrilège, ce n'a pas été mon intention de vous éloigner de la sainte communion, mais seulement de faire ouvrir les yeux à ceux qui sont de ce nombre, pour réparer le mal qu'ils ont fait, pendant qu'il est temps, et pour porter ceux qui ont l'espérance d'être exempts de ce crime épouvantable, à y apporter encore des dispositions plus parfaites. »

Jean-Marie Baptiste Vianney, saint Curé d’Ars (1786-1859), Sermon sur la communion indigne.

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03/02/2016

"La Chrétienté pleure en se revêtant d’un sac et de cendre"

Friedrich von Schiller (1759-1805), Wallensteins Lager (1799), huitième tableau, scène 8, « le sermon du capucin »

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« (…) Est-ce là une armée de chrétiens ? Sommes-nous des Turcs ? Sommes-nous des anti-Baptistes? Que nous en sommes à trouver le dimanche ridicule, comme si Dieu Tout-Puissant avait la goutte et ne pouvait même plus frapper ? Est-il arrivé maintenant le temps de beuveries? Pour les banquets et les jours fériés ? Pourquoi êtes-vous debout avec les mains sur ses genoux ? La furie de la guerre se déroule sur le Danube, le rempart de la Bavière est tombé, Ratisbonne est dans les griffes de l’ennemi, et l’armée est ici tranquillement en Bohême, s’occupant de sa panse, ne pensant plus que peu à la douleur, se souciant plus de la cruche que la guerre, aiguisant plutôt le bec que le scalpel, préférant tourner autour de la femme de chambre, mangeant du bœuf plutôt que titiller le cœur des soldats d’Oxenstirn.

La Chrétienté pleure en se revêtant d’un sac et de cendre, le soldat ne pense qu’à se remplir les poches. C’est un temps de larmes et de détresse, dans le ciel, on voit des signes et des phénomènes, et des nuages, rouges comme le sang, le Seigneur déroule son manteau de guerre. La comète est tenue, comme une tige, menaçante de la fenêtre du ciel, le monde entier est une maison explosée, l’Arche de l’Eglise nage dans le sang, et l’Empire romain  que Dieu ait pitié ! devrait maintenant s’appeler l’Armée romaine ; les flots du Rhin se sont transformés en flots de chagrin, les monastères sont des nids éviscérés, les couvents sont ouverts à tous les vents, les abbayes et les lieux de culte sont maintenant des granges et des repaires de voleurs, et toutes les terres allemands bénies ont été transformées en champs de terreur… Pourquoi ça ? Je vais vous le dire : la cause à vos vices et à vos péchés, des abominations et des vies païennes, auxquelles les officiers et les soldats se livrent. Car le péché est comme une pierre d’aimant, qui attire le fer dans ce pays. A l‘injustice succède le malheur, comme la larme l’est avec l’oignon, comme derrière le L vient tout de suite le M du malheur, tel est l’ordre dans l’A B C.

Où conduit l’espoir dans la victoire, si elle offense Dieu ? Comment peut-on gagner si l’on oublie le sermon et la mesure, qu’on ne fasse rien que de vivre dans les tavernes ? La femme dans l’Evangile retrouve l’argent qu’elle avait perdu, du cheval les ânes de son père, de Joseph ses aimables frères ; mais qui recherche, chez nos soldats, la crainte de Dieu et la bonne éducation et la retenue, ne trouvera pas grand chose, même s’il mettait le feu à des centaines de lanternes !

Pour le prédicateur dans le désert, comme nous le lisons dans l’Evangile, se pressaient également les soldats, après des actes de repentance, ils étaient baptisés, ils lui demandaient : nos de faciemus Quid? Que devons-nous faire pour entrer dans le sein d’Abraham ? Et ait illis, et il dit : ne violentez ni ne persécutez personne ; ne blasphémez personne, ne mentez à personne. [Estote Contenti], contentez-vous [Stipendiis Vestris] de vos salaires et maudissez chaque mauvaise habitude.

Il est un commandement qui dit Tu dois du nom de notre Seigneur ne jamais jurer ! Et où entend-on plus blasphémer, que dans les quartiers de guerre de Friedland ?

Si, pour tous les tonnerres et les éclairs, que vous proférer avec votre langue fourchue, les cloches devaient sonner dans tout le pays, il ne serait bientôt plus possible de trouver un seul sacristain. Et si à chacune de vos ignominies, qui par votre bouche sort, un cheveu tombait de votre tête, à la nuit venue, vous seriez chauve comme un crâne, et même si vous aviez la tignasse épaisse d’Absalon ! Josué était lui aussi un soldat, Roi David tua Goliath, et où est-il écrit dans tout ce qui peut être lu, qu’une quelconque malédiction soit dite ? Faut-il ouvrir plus grande sa bouche, pour remercier Dieu de lui venir en aide  que pour blasphémer sur la croix ! Mais quand la cuve est pleine, elle bouillonne puis déborde.

Un autre commandement est : « Tu ne voleras pas ! » Oui, vous le suivez à la lettre ! Parce que vous emportez tout sans vous cacher ! Avec vos griffes et vos becs de vautours, avec vos coupables pratiques et vos mauvais tours l’argent sous les draps n’a aucune protection. Le veau n’est même pas en sécurité dans la vache ! Vous prenez l’œuf et la poule par dessus le marché !

Que disait le prédicateur ? estote contenti, [contenti estote stipendiid Vestris : Contentez-vous de votre salaire] Contentez-vous de votre pain.

Mais comment être un des serviteurs de la louange, quand l’exemple ne vient pas d’en haut ! Car les membres sont à l’image de la tête ! Blanc comme personne, mais pas de celui qui a la foi ! »

06/01/2016

« Espérez et priez ; la prière obtient tout. Votre fils n'est pas perdu ; vos yeux le reverront avant de se fermer. Attendez en paix les jours de Dieu. »

 

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« Ce que vos yeux voient, ce que touchent vos mains, ce ne sont que des ombres, et le son qui frappe vos oreilles n'est qu'un grossier écho de la voix intime et mystérieuse qui adore, et prie, et gémit au sein de la création.[1] Car toute créature gémit, toute créature est dans le travail de l'enfantement, et s'efforce de naître à la vie véritable, de passer des ténèbres à la lumière, de la région des apparences à celle des réalités. Ce soleil si brillant, si beau, n'est que le vêtement, l'emblème obscur du vrai soleil, qui éclaire et échauffe les âmes.[2] Cette terre, si riche, si verdoyante, n'est que le pâle suaire de la nature : car la nature déchue aussi, est descendue comme l'homme dans le tombeau, mais comme lui elle en sortira. Sous cette enveloppe épaisse du corps, vous ressemblez à un voyageur qui, la nuit dans sa tente, voit ou croit voir des fantômes passer. Le monde réel est voilé pour vous. Celui qui se retire au fond de lui-même l'y entrevoit comme dans le lointain. De secrètes puissances qui sommeillaient en lui se réveillent un moment, soulèvent un coin du voile que le temps retient de sa main ridée, et l'œil intérieur est ravi des merveilles qu'il contemple. Vous êtes assis au bord de l'océan des êtres, mais vous ne pénétrez point dans ses profondeurs. Vous marchez le soir le long de la mer, et vous ne voyez qu'un peu d'écume que le flot jette sur le rivage. À quoi vous comparerai-je encore ? [3] Vous êtes comme l'enfant dans le sein de sa mère, attendant l'heure de la naissance ; comme l'insecte ailé dans le ver qui rampe, aspirant à sortir de cette prison terrestre, pour prendre votre essor vers les cieux. »

 

Félicité de Lamennais, Paroles d’un Croyant (1834)



[1] Cf. Fénelon, Télémaque, chapitre IV : « Celui qui n'a jamais vu cette lumière pure est aveugle comme un aveugle-né ; [...] il meurt n'ayant jamais rien vu ; tout au plus il aperçoit de sombres et fausses lueurs, de vaines ombres [...]. »

[2] Cf. Fénelon, Traité de l'existence et des attributs de Dieu : « Il y a un soleil des esprits, qui les éclaire tous, beaucoup mieux que le soleil visible n'éclaire les corps. » (Première Partie, Chapitre II.)

[3] Marc (IV, 30) et Luc (XIII, 20 et sq.).

02/04/2015

"Dans un jardin, non de délice comme le premier Adam, où il se perdit avec tout le genre humain, mais de supplices, où Il se sauvera avec le genre humain"

« Jésus sera en agonie jusqu’à la fin du monde : il ne faut pas dormir pendant ce temps-là.Je pensais à toi dans mon agonie, j’ai versé telles gouttes de sang pour toi. (...) Je te suis plus ami que tel et tel ; car j’ai fait pour toi plus qu’eux, et ils ne souffriraient pas ce que j’ai souffert de toi et ne mourraient pas pour toi dans le temps

de tes infidélités et cruautés » (Blaise Pascal, Pensées, BVII, 553)

 

Le Christ au jardin des oliviers, de Théodore Chassériau, 1840. Musée des Beaux-Arts de Lyon.jpg

Sainte semaine à tous, dans la méditation des souffrances et le recueillement des saints Mystères de la Croix.

 

02/01/2015

"Ainsi donc, sortons vers lui hors du camp, portant son opprobre."

« Un jour, les pharisiens lui demandèrent quand arriverait le royaume de Dieu. Jésus leur répondit : - le Royaume de Dieu ne viendra pas de façon visible. On en dira pas : « Venez, il est ici », ou : « Il est là », car, notez-le bien, le royaume de Dieu est au-dedans de vous. » (Luc XVII, 20-21)

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« L’enseignement du Divin Réparateur [a] porté, et ce avec une rare insistance, sur la vocation céleste de son Église, en nous révélant que son « Royaume » - expression entendue comme lieu où il demeure auprès du Père -, n’est pas de ce monde.

Il est frappant de constater que toutes les promesses, de charnelles qu’elles furent dans l’Ancien Testament (Genèse, Exode, Nombres, Lévitiques, Deutéronome, Josué, etc.), sont toutes devenues de nature céleste dans l’Évangile.

Le Seigneur Jésus dit ainsi aux Juifs : « Vous êtes d’en bas ; moi, je suis d’en haut : vous êtes de ce monde ; moi, je ne suis pas de ce monde » (Jean VIII, 23). Et lorsqu’il recommanda ses disciples à dieu, il déclara : « Ils ne sont pas du monde comme moi je ne suis pas du monde… Et moi je me sanctifie moi-même pour eux, afin qu’eux aussi soient sanctifiés par la vérité. » (Jean XVII, 16-19).

On ne remarque d’ailleurs pas assez, et on insiste bien trop peu sur le fait, que le Christ a souffert sa Passion « hors de la ville de Jérusalem » (Jean XIX, 20), ceci signalant que Jésus, lors de son sacrifice s’écartait du système judaïque, et invitait par la même les chrétiens, à son exemple, à s’extraire de la religiosité formelle qui se limite à suivre des rites sans que la réalité de la vie divine dans les cœurs ne soit présente. Ainsi dans l’Épître aux Hébreux il est indiqué : « Car les corps des animaux dont le sang est porté, pour le pêché, dans les lieux saints, par le souverain sacrificateur, sont brûlés hors du camp. C’est pourquoi aussi Jésus, afin qu’il sanctifiât le peuple par son propre sang, a souffert hors de la porte. Ainsi donc, sortons vers lui hors du camp, portant son opprobre. » (Hébreux XIII, 11-13)

Jésus-Christ, comme nous le montrent les évangiles, n’avait aucunement sa place au milieu du « camp d’Israël », dans une région terrestre attachée à une religion charnelle, de même que nous, à sa suite, n’avons plus notre place dans les systèmes religieux mondains rivés au domaine de la terre, attitude de dégagement qui nous est signalée par cette phrase : « sortons hors du camp ». La position des âmes de désir à présent est donc, d’une par d’être « en esprit » dans le Sanctuaire céleste, là où le Grand Sacrificateur célèbre le culte éternel, et, en leurs enveloppes matérielles, sur la terre, de se retirer, physiquement et spirituellement, « hors du camp » : « Nous avons un objet plus vaste à remplir que celui de nous occuper des obscurités naturelles qui tiennent essentiellement à l’état terrestre de l’esprit de l’homme, mais bien plus encore de nous occuper des clartés et des lumières qui appartiennent à son indestructible essence. » (Le Nouvelle homme, § 2). »

J.- M. Vivenza, Le culte en esprit de l’Église intérieure, éditions La Pierre Philosophale, septembre 2014, p. 45-46

27/10/2014

"Montrons maintenant comment l’âme qui sent l’appel de Dieu à la pénitence doit se conduire pour remporter un succès complet"

« Nous ne ferons donc plus que des œuvres vives quand nous serons régénérés assez profondément pour pouvoir dire avec l’apôtre : "ce n’est pas moi qui vis, c’est Jésus qui vit en moi." 

william law.jpgMontrons maintenant comment l’âme qui sent l’appel de Dieu à la pénitence doit se conduire pour remporter un succès complet.

C’est une semence qui ne peut croître que par sa propre force et union avec Dieu.

Lorsque la Vierge Marie reçut la visite de l’ange, elle dit simplement : "je suis la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon votre volonté." C’est également tout ce que nous pouvons faire pour la conception de ce nouvel homme qui doit naître en nous ; elle doit être acceptée avec une assurance profonde et semblable à celle d’un homme qui sait n’avoir pas créé les étoiles et n’être pas l’auteur de sa propre vie ? C’est un acte de foi qui met l’âme dans un état convenable et qui prépare l’opération divine en elle.  La lumière la pénètre et le Saint-Esprit meut et dirige tout ce qui doit être accompli. Cette vérité a deux conséquences :

La première, c’est que l’âme est maintenue constamment dans la joie, la prière, le désir, la confiance et l’abnégation ; et cet état est ainsi à la porte des communications célestes, et la lumière divine arrive à elle aussi librement que les rayons solaires.

La seconde conséquence, c’est que l’âme reconnaît notre néant et notre incapacité ; le moi est abandonné et son royaume détruit puisque nous ne pouvons plus rien faire de bien lorsque dieu nous en donne la force ; il n’y a plus de place pour la fierté et l’estime de soi ; nous sommes préservés de la sainteté pharisaïque, de la joie de nos soi-disant bonnes actions, d’une foule d’erreurs  fondées sur le quelque chose que nous croyons être dans la nature ou dans la grâce. Mais si nous parvenons à connaître quelque peu l’absolu divin et notre néant, nous avons reçu une vérité dont l’importance est inépuisable. Elle apporte dans l’âme une certaine véracité, tout ce qui est faux et vain s’évanouit ; si notre religion est fondée sur le roc, elle en a la solidité ; le monde, la chair et le diable ne peuvent rien contre elle. C’est la connaissance de l’absolu divin qui rend les chérubins et les séraphins des flammes d’amour : car là où Dieu est reconnu par une créature, rien ne peut subsister que l’Amour ; et cet Amour engendre dans l’être la vie séraphique. La créature est introduite en Dieu, unie à Lui et voit se révéler en elle. »

William Law (1686-1761), L’Esprit de la prière, traduction de Paul Sédir, Arqa, mai 2010, pp. 58-59

 

05/06/2014

"Voici la Couronne, mais où est la Croix ? Où est la Coupe d’amertume, et le baptême de sang ? Viens lecteur, suis sa trace ; méprise ce monde pour cette joie inexprimable, alors certainement ton salut approchera"

« La Croix du Christ, est le chemin par où il nous mène à la Couronne. »

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« Car ceux qui sont véritablement en Christ, c’est-à-dire, ceux qu’il a racheté et qui ont droit de prétendre en lui, sont faits nouvelles créatures [Gal. VI, 15]. Ils ont reçu une nouvelle Volonté ; tels sont ceux qui sont la Volonté de Dieu, non la leur propre. Ils prient en vérité, et ne se moquent pas de Dieu, lorsqu’ils disent Ta Volonté soit faite sur la Terre comme au Ciel [Mat. VI, 10.] ; ils ont des nouvelles affections, qui sont telles, qu’elles se fixent sur les choses d’en-haut, et font de Christ leur Trésor Eternel : ils ont une nouvelle Foi, qui est telle qu’elle surmonte les pièges et les tentations de l’esprit du Monde à mesure qu’ils les aperçoivent, soit en eux-mêmes, ou dans autrui. Et finalement leurs Œuvres sont nouvelles ; ce ne sont point celles d’une intrigue superficielle, ou d’une invention humaine, mais les purs fruits que l’Esprit de Christ opère en eux. »

William Penn (1644-1718), Sans Croix, point de Couronne (1669), Chap. I, 8.

13/04/2014

"La Pâque approche. L’ultime Semaine, qui n’aura jamais de fin – le nouveau Dimanche ne s’est pas encore levé – va commencer." (1)


(1) G. Papini, Histoire du Christ, L’Âge d’Homme – De Fallois, éd. 2010, p. 277.

"Tenez-vous toujours aux maximes et dans les routes de la plus austère pénitence, et vous marcherez par le chemin le plus assuré." (Maximes spirituelles tirées des œuvres du Bienheureux Jean de la Croix)

06/09/2013

« Il ne faut pas s’arrêter aux discours des enfants du siècle. »

(Saint François de Sales, Introduction à la vie dévote, Quatrième partie, Chap.1, édition Mame, Tours, 1888, pp. 280-283.)

"Soyons fermes dans nos desseins, invariables dans nos résolutions et la persévérance fera voir si le parti de la dévotion que nous avons pris est sérieux et sincère."

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« Aussitôt que le monde s’apercevra de votre dévotion, la satire et la médisance ne manqueront pas de vous affliger.

Les libertins feront passer votre changement pour un artifice hypocrite, et diront que vous recourez à Dieu parce que le monde vous a froissé.

Vos amis s’empresseront de vous faire des remontrances qu’ils croiront charitables et prudentes, sur la tristesse de la dévotion, sur la perte de votre crédit dans le monde, sur la conservation de votre santé, sur l’incommodité que vous causerez aux autres, sur les affaires qui pourraient en souffrir, sur la nécessité de vivre dans le monde comme l’on y vit, et sur tous les moyens qu’on a de faire son salut sans tant de mystères.

Tout cela n’est qu’un vain et sot babil du siècle ; au fond, ces gens-là n’ont aucun soin véritable ni de vos affaires ni de votre santé. Si vous étiez du monde, dit le Sauveur, le monde aimerait ce qui lui appartient ; mais parce que vous n’êtes pas du monde, il vous hait.

On voit des hommes et des femmes passer des nuits entières au jeu : y a-t-il une attention plus fatigante et plus chagrine que celle-là ? Cependant leurs amis ne leur en disent rien ; et parce que vous faites une heure de méditation, ou parce que vous vous levez un peu plus matin qu’à l’ordinaire, afin de vous préparer à la communion, chacun court au médecin et lui demande de vous guérir de l’humeur hyponcondriaque et de la jaunisse. On passera trente nuits à danser, personne ne s’en plaint : et, pour la seule nuit de Noël, chacun tousse et se plaint de la tête le jour suivant.

Qui ne voit que le monde est un juge inique, complaisant pour ses enfants, mais dur et sévère pour les enfants de Dieu !

Nous ne saurions être bien avec le monde qu’en nous perdant avec lui ; il n’est pas possible de le satisfaire, tant il est bizarre. Jean est venu, dit le Sauveur, ne mangeant ni ne buvant, et vous dites qu’il est possédé du diable. Le Fils de l’homme est venu en mangeant et en buvant, et vos dites qu’il est un Samaritain. Il est vrai, Philothée, si par condescendance pour le monde vous vous laissez aller à jouer et à danser, il se scandalisera ; si vous ne le faites pas, il vous accusera d’hypocrisie et de mélancolie ; si vous vous parez, il l’interprètera mal ; si vous vous négligez, ce sera pour lui bassesse de cœur. Il appellera votre gaieté dissolution, votre mortification humeur sombre ; et comme il vous regarde toujours de mauvais œil, jamais vous ne pourrez lui plaire. Il fait passer nos imperfections pour des péchés, nos péchés véniels pour des péchés mortels, et nos péchés d’infirmité pour des péchés de malice.

Tandis que la charité est bénigne, comme le dit saint Paul, le monde est malin ; tandis que la charité ne pense mal de personne, le monde pense toujours mal ; quand il ne peut condamner nos actions, il accuse nos intentions. Enfin, soit que les moutons aient des cornes, soit qu’ils n’en aient pas, qu’ils soient blancs ou qu’ils soient noirs, le loup ne laissera pas de les manger s’il peut. Ainsi, quoi que nous fassions, le monde nous fera toujours la guerre. Si nous sommes longtemps aux pieds d’un confesseur, il demandera ce que nous pouvons lui dire ; si nous y sommes peu de temps, il prétendra que nous ne lui disons pas tout. Il étudiera tous nos mouvements ; et pour une parole un peu vive, il protestera que nous sommes insupportables. Il prendra pour avarice le soin de nos affaires, et il appellera notre douceur niaiserie. Mais quand il s’agit des enfants du siècle, la colère est générosité, l’avarice sage économie, et les manières trop libres une honnête conversation.

Laissons ce monde aveugle, Philothée ; qu’il crie tant qu’il voudra, comme un chat huant pour inquiéter les oiseaux du jour. Soyons fermes dans nos desseins, invariables dans nos résolutions et la persévérance fera voir si le parti de la dévotion que nous avons pris est sérieux et sincère. Les comètes et les planètes paraissent également lumineuses ; mais les comètes disparaissent en peu de temps, au lieu que la lumière des planètes est perpétuelle. De même l’hypocrisie et la vraie vertu se ressemblent fort, et on les reconnaît parce que celle-là n’a point de constance et se dissipe comme la fumée, au lieu que celle-ci est ferme et constante. Au reste, il est bon, dans les commencements de notre dévotion, d’être méprisés et de recevoir quelques injustes reproches : car on se fortifie ainsi contre la vanité et contre l’orgueil, qui détruisent quelquefois les premiers fruits de la piété : malheur figuré par le commandement que Pharaon fit aux sages-femmes d’Egypte, de tuer les enfants mâles d’Israël le jour de leur naissance.

Enfin, nous sommes crucifiés au monde, et le monde doit nous être crucifié. Il nous prend pour des fous ; regardons-le comme un insensé. »

 

15/05/2013

"Souvenez-vous de Jésus crucifié et gardez silence"

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« Quand quelque désagrément, quelque peine vous atteindra, souvenez-vous de Jésus crucifié et gardez silence. Vivez en foi et en espérance, bien qu’en sécheresse et obscurité. Dans ces ténèbres, Dieu tient l’âme sous sa protection. »

 

Saint Jean de la Croix, Lettre à une pieuse carmélite, non datée.

 

15/02/2013

"Le temps détruit les plus grands et superbes édifices"

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« Toutes les créatures gémissent(Rm 8, 22 : "Car nous savons que jusqu’à cette heure, toutes les créatures soupirent, et sont dans le travail de l’enfantement") et sont dans un état violent jusqu’à ce que leur changement arrive, c’est à dire qu’elles soient délivrées des obstacles qui les empêchent de retourner à leur principe, ou de retourner à leur centre, suivant leur nature. Une muraille composée de pierres liées ensemble et qui font une continuité, ne peut subsister toujours de la même manière à moins qu’on n’y travaille souvent : le temps détruit les plus grands et superbes édifices. Mais lorsque les pierres sont détachées de cette continuité qui les retenait avec violence, elles retombent dans leur centre, elles y subsistent sans effort, elles y restent sans soin de personne, elles ne s’usent ni se fatiguent. Il en est ainsi de notre esprit : la foi le retire de la multiplicité et de l’état violent pour le réduire à l’unité ou à l’état simple, qui est son centre. Il est sorti pur et simple des mains de Dieu ; c’est où il doit retourner pour retrouver son principe, son centre, sa fin, le lieu dont il est sorti, où il tend sans cesse. »

Madame Guyon (1648-1717), Discours Chrétiens et Spirituels sur divers sujets qui regardent la vie intérieure1.38, "De la Prière parfaite, ou de la contemplation pure", Phenix Editions - La Procure, 2001