Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

08/04/2023

« Des douleurs intérieures de Jésus-Christ dans sa Passion » : L’ENNUI (2)

Méditation autour de la Passion

Père Louis Bourdaloue (1632-1704), Retraite spirituelle à l’usage des communautés religieuses, seconde méditation, Paris, transcription d’après l’édition des Libraires associés, 1753, pp. 320-323.

oracion_huerto2.jpg

« SECOND POINT. Une autre peine intérieure dont le Sauveur des hommes se sentit atteint, ce fut l’ennui. Il commença à s’ennuyer, dit l’Évangéliste. C’était une suite naturelle de la tristesse qui l’accablait. Tout lui devint insipide, & il ne prit plus de goût à rien. Ces grands motifs qui l’avaient auparavant animé & si sensiblement touché, sans rien perdre pour lui de leur première force, perdirent du reste toute leur pointe. Ils se soutenaient toujours, mais sans aucun de ces sentiments, ni aucune de ces impressions secrètes, qui excitent une âme & l’encouragent. Tellement qu’il se trouvait comme abandonné à la désolation de son cœur. État mille fois plus difficile à porter que toute autre peine, quelque violente d’ailleurs qu’elle puisse être. État où se trouvent encore de temps en temps une infinité de personnes dévotes & religieuses.

Il y a des temps où l’on tombe dans le dégoût de tous les exercices de piété & de religion. Rien n’affectionne, rien ne plaît. On est rebuté de l’oraison, de la confession, de la communion, des lectures spirituelles, de toutes ses observances et de toutes ses pratiques. Peu s’en faut qu’on ne vienne quelquefois jusqu’à s dégoûter même de sa vocation, & à concevoir certains regrets de ce qu’on a quitté dans le monde. N’ai-je point été bien des fois en de pareilles dispositions, & n’y suis-je point encore assez souvent ? Si ce n’est point moi qui me suis réduit là par un relâchement volontaire, je ne dois point m’en affliger. Ce sont alors des tentations qui me peuvent être très salutaires, & dont il ne tient qu’à moi de profiter au centuple, en donnant à Dieu par ma confiance la preuve la plus certaine de ma fidélité. Mais le mal est que ce dégoût & cet ennui ne vient communément que de moi-même, que de ma négligence & de ma tiédeur. Je ne voudrais pas me faire la moindre violence pour me réveiller & pour m’élever à Dieu. Est-il surprenant alors que le poids de la nature m’entraîne ; & dois-je m’étonner que Dieu ne se communiquant plus à moi, parce que je m’attache si peu à lui, je ne fasse que languir dans sa maison, & que le temps que je passe auprès de lui, me semble si long ? Ah ! les heures me paraissent bien plus courtes, partout où je satisfais mon inclination.

Il est vrai néanmoins, & il peut arriver quelquefois que ce ne soit pas par ma faute que je tombe dans cette langueur & que je sens cet éloignement des choses de Dieu. Mais sais-je me rendre cette épreuve aussi utile qu’elle le peut être ? Je pourrais sanctifier mon ennui même et mon dégoût. Je pourrais m’en faire un moyen de pratiquer les plus excellentes vertus, la patience, la pénitence, la persévérance. Ce n’est pas un petit mérite devant Dieu, que de savoir s’ennuyer pour Dieu. Ce n’est pas une petite perfection, que d’avancer toujours, malgré l’ennui, dans la voie de la perfection. Ça a été le don des Saints, & ce n’est guère le mien. Dès qu’un exercice commence à me déplaire, ou je le laisse absolument, ou je ne m’en acquitte que très imparfaitement. Je me fais du dégoût où je suis, une raison de me relâcher : au lieu que je devrais, avec la grâce de Dieu qui m’éprouve dans ce & par ce dégoût, recueillir toute ma force & m’élever au-dessus de moi-même. Jamais David ne glorifia plus Dieu qu’en lui disant : Vous vous êtes retiré de moi, Seigneur, & moi je ne me suis point retiré de vous ni de vos commandements. (Psalm. 118) C’est là que je donnerais à Dieu plus de gloire. C’est là que j’amasserais des trésors infinis de mérites. »

 

Les commentaires sont fermés.