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03/02/2016

"La Chrétienté pleure en se revêtant d’un sac et de cendre"

Friedrich von Schiller (1759-1805), Wallensteins Lager (1799), huitième tableau, scène 8, « le sermon du capucin »

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« (…) Est-ce là une armée de chrétiens ? Sommes-nous des Turcs ? Sommes-nous des anti-Baptistes? Que nous en sommes à trouver le dimanche ridicule, comme si Dieu Tout-Puissant avait la goutte et ne pouvait même plus frapper ? Est-il arrivé maintenant le temps de beuveries? Pour les banquets et les jours fériés ? Pourquoi êtes-vous debout avec les mains sur ses genoux ? La furie de la guerre se déroule sur le Danube, le rempart de la Bavière est tombé, Ratisbonne est dans les griffes de l’ennemi, et l’armée est ici tranquillement en Bohême, s’occupant de sa panse, ne pensant plus que peu à la douleur, se souciant plus de la cruche que la guerre, aiguisant plutôt le bec que le scalpel, préférant tourner autour de la femme de chambre, mangeant du bœuf plutôt que titiller le cœur des soldats d’Oxenstirn.

La Chrétienté pleure en se revêtant d’un sac et de cendre, le soldat ne pense qu’à se remplir les poches. C’est un temps de larmes et de détresse, dans le ciel, on voit des signes et des phénomènes, et des nuages, rouges comme le sang, le Seigneur déroule son manteau de guerre. La comète est tenue, comme une tige, menaçante de la fenêtre du ciel, le monde entier est une maison explosée, l’Arche de l’Eglise nage dans le sang, et l’Empire romain  que Dieu ait pitié ! devrait maintenant s’appeler l’Armée romaine ; les flots du Rhin se sont transformés en flots de chagrin, les monastères sont des nids éviscérés, les couvents sont ouverts à tous les vents, les abbayes et les lieux de culte sont maintenant des granges et des repaires de voleurs, et toutes les terres allemands bénies ont été transformées en champs de terreur… Pourquoi ça ? Je vais vous le dire : la cause à vos vices et à vos péchés, des abominations et des vies païennes, auxquelles les officiers et les soldats se livrent. Car le péché est comme une pierre d’aimant, qui attire le fer dans ce pays. A l‘injustice succède le malheur, comme la larme l’est avec l’oignon, comme derrière le L vient tout de suite le M du malheur, tel est l’ordre dans l’A B C.

Où conduit l’espoir dans la victoire, si elle offense Dieu ? Comment peut-on gagner si l’on oublie le sermon et la mesure, qu’on ne fasse rien que de vivre dans les tavernes ? La femme dans l’Evangile retrouve l’argent qu’elle avait perdu, du cheval les ânes de son père, de Joseph ses aimables frères ; mais qui recherche, chez nos soldats, la crainte de Dieu et la bonne éducation et la retenue, ne trouvera pas grand chose, même s’il mettait le feu à des centaines de lanternes !

Pour le prédicateur dans le désert, comme nous le lisons dans l’Evangile, se pressaient également les soldats, après des actes de repentance, ils étaient baptisés, ils lui demandaient : nos de faciemus Quid? Que devons-nous faire pour entrer dans le sein d’Abraham ? Et ait illis, et il dit : ne violentez ni ne persécutez personne ; ne blasphémez personne, ne mentez à personne. [Estote Contenti], contentez-vous [Stipendiis Vestris] de vos salaires et maudissez chaque mauvaise habitude.

Il est un commandement qui dit Tu dois du nom de notre Seigneur ne jamais jurer ! Et où entend-on plus blasphémer, que dans les quartiers de guerre de Friedland ?

Si, pour tous les tonnerres et les éclairs, que vous proférer avec votre langue fourchue, les cloches devaient sonner dans tout le pays, il ne serait bientôt plus possible de trouver un seul sacristain. Et si à chacune de vos ignominies, qui par votre bouche sort, un cheveu tombait de votre tête, à la nuit venue, vous seriez chauve comme un crâne, et même si vous aviez la tignasse épaisse d’Absalon ! Josué était lui aussi un soldat, Roi David tua Goliath, et où est-il écrit dans tout ce qui peut être lu, qu’une quelconque malédiction soit dite ? Faut-il ouvrir plus grande sa bouche, pour remercier Dieu de lui venir en aide  que pour blasphémer sur la croix ! Mais quand la cuve est pleine, elle bouillonne puis déborde.

Un autre commandement est : « Tu ne voleras pas ! » Oui, vous le suivez à la lettre ! Parce que vous emportez tout sans vous cacher ! Avec vos griffes et vos becs de vautours, avec vos coupables pratiques et vos mauvais tours l’argent sous les draps n’a aucune protection. Le veau n’est même pas en sécurité dans la vache ! Vous prenez l’œuf et la poule par dessus le marché !

Que disait le prédicateur ? estote contenti, [contenti estote stipendiid Vestris : Contentez-vous de votre salaire] Contentez-vous de votre pain.

Mais comment être un des serviteurs de la louange, quand l’exemple ne vient pas d’en haut ! Car les membres sont à l’image de la tête ! Blanc comme personne, mais pas de celui qui a la foi ! »

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