18/04/2025
« Entrez dans le Calvaire intérieur de votre cœur, et là, avec un esprit recueilli, considérez Jésus-Christ crucifié »
Maurice de Querdu Le Gall, L’Oratoire du Cœur, deuxième partie, chapitre VII, pour le Vendredi : Jésus en Croix (1668, édition française de 1770) [1]
« Entrez dans le Calvaire intérieur de votre cœur, et là, avec un esprit recueilli, considérez Jésus-Christ crucifié, qui a été donné à tous, les hommes pour un exemple d’amour et de patience sur le Mont du Calvaire ; et comme tel regardez-le dans l’intérieur de votre cœur, et voyez comme cet obéissant Isaac ayant porté le bois de son supplice jusqu’au Calvaire, il y fut étendu, afin d’y être consommé du feu sacré du divin Amour, et immolé par le couteau tranchant de la Justice de son Père, sans qu’aucun Ange pût arrêter ni la main, ni le coup qui lui causa la mort. Voyez un peu quelle confusion et quelle douleur ce divin Sauveur reçut, quand ces cruels bourreaux l’ayant déchargé de ce pesant fardeau de la Croix, ne le laissèrent pas longtemps en repos, mais renouvelèrent toutes ses plaies, en le dépouillant de sa robe de pourpre, à laquelle s’étaient collés ses sacrés membres, à cause du sang congelé, et l’exposèrent honteusement nu en plein jour sur la montagne, à la vue de plusieurs milliers de personnes qui étaient accourues à Jérusalem, pour manger de l’Agneau pascal, et qui était la figure de cet agneau sans tâche qui devait être immolé sur l’autel de la Croix.
Admirez la modestie, le silence et l’obéissance de Jésus, qui se laisse étendre les mains et les pieds sur la croix, dès qu’on lui ordonne, voyez quelle douleur il souffre, lorsqu’on veut faire arriver ses sacrés membres jusqu’aux aux trous qui avaient été faits sur la Croix, entendez un peu ces coups de marteau dont on se sert pour transpercer les pieds et les mains de votre Sauveur avec de gros clous ; ce qui se fait avec tant de bruit et de violence, que le son en pénètre jusques aux oreilles de sa très-sainte Mère, dont le cœur était tout transpercé de douleur à la vue des tourments que ces bourreaux faisaient endurer à son cher Fils. Approchez-vous en esprit de cette sacrée Vierge, et lui demandez qu’elle imprime dans votre cœur les plaises de son Fils bien-aimé, par un sentiment de compassion, à l’exemple de celle qu’elle eut sur le Calvaire, à la vue des douleurs qu’il endurait. Enfin, considérez qu’on élève la Croix, que Jésus l’Homme de douleur et soutenu seulement sur les plaies de ses pieds et de ses mains, qui s’entre-ouvrent derechef lorsqu’on enfonce en terre la Croix ; et combien cette secousse lui est douloureuse.
Retirez-vous donc dans votre intérieur, et vous arrêtez quelque temps en silence, en la présence de votre divin Sauveur, souffrant de si grandes douleurs pour vos pêchés, et après avoir fait un acte de vraie contrition, promettez-lui de ne plus renouvelet ses douleurs par vos ingratitudes et offenses, et pensez que ces plaies seront toutes rayonnantes de clarté au jour du Jugement, pour réjouir les justes qui se seront bien servies de son sang ; mais aussi qu’elles seront comme autant de foudres et de carreaux, pour écraser les pêcheurs qui auront foulé ce Sang adorable par leurs pêchés. Ce sont là les plaies qui sont les trous de la pierre d’Humanité de Jésus-Christ, où l’âme chrétienne, comme une chaste colombe, se doit retirer en esprit, afin d’éviter les ruses du Démon, qui ne lui peut nuire tant qu’elle se tient renfermée dans son intérieur, sans se dissiper au dehors, par les plaisirs de sens ; et lorsque vous aurez consenti à quelque tentation, regardez Jésus-Christ crucifié avec douleur, vous y trouverez votre guérison, comme autrefois les israélites, qui regardaient le Serpent d’airain élevé dans le désert, étaient guéris de leurs maux : mettez toute votre confiance en Jésus-Christ; car s’il souffre la mort, c’est pour donner la vie à ses enfants ; et ce Sang qu’il a versé jusques à la dernière goûte réellement sur le Calvaire, est encore capable de vous laver de vos pêchés, si vous vous approchez en esprit dans le Calvaire intérieur de votre cœur, des pieds de Jésus-Christ crucifié, avec toute humilité, et une grande douleur de les avoir commis, vous tenant là comme une autre Magdeleine. C’est là la piscine sacrée, dans laquelle il faut que votre âme soit lavée, pour devenir nette et purifiée. Enfin, faites quelques résolutions particulières de pratiquer avec ferveur la mortification, tant intérieure qu’extérieure, afin d’acquérir un changement de vie, qui est le véritable fruit que vous devez cueillir de la méditation de Jésus crucifié.
Si le Saint Esprit vous laisse dans l’aridité à la porte du Calvaire intérieur de votre cœur, tenez-vous y avec patience, vous souvenant que Jésus qui pouvait descendre de la Croix où il était attaché, y a voulu demeurer parmi d’extrêmes douleurs et les abandons de son Père, durant l’espace de trois heures, jusque à y rendre l’âme ; et vous conformer à votre divin Sauveur durant tout ce temps-là.
Si vous vous ennuyer, rappelez votre esprit sans vous inquiéter, à son objet, dans l’assurance que Jésus crucifié vous donnera part à son esprit.
Finissez votre oraison comme à l’ordinaire.
Pour le bouquet spirituel, prenez Jésus crucifié ; et à l’exemple de saint François d’Assise, de Sainte Magdeleine de Pazzi, de la Bienheureuse Claire de Montefalco, et de plusieurs autres ; regardez souvent au-milieu de votre cœur.
Durant la messe, le soir avant souper, et quand l’heure sonne, occupez-vous de Jésus crucifié, comme le matin ; adorez-le, et jetez de fréquentes œillades vers lui, comme autant de flèches d’amour qui percent Son cœur. »
__________
[1] « La deuxième partie décrit la pratique de cette oraison sur les sept phases majeures de la Passion en sept jours de la semaine commençant par le dimanche.
A chaque jour correspond une explication et une image en pleine page : un grand cœur dans lequel apparaît une scène de la Passion du Christ sous le regard d’un Saint ou d’une Sainte.
- dimanche : Jésus-Christ priant au jardin des olives, réduit à l’agonie et suant d’une sueur de sang. Sous le regard de Saint Grégoire.
- lundi : Jésus flagellé (Saint Louis).
- mardi : Jésus couronné d’épines (Sainte Élisabeth).
- mercredi : Jésus présenté au peuple par Pilate disant ces paroles Ecce Homo et condamné à mort (Saint François).
- jeudi : Jésus portant la croix ( Sainte Thérèse).
- vendredi : Jésus en croix (Saint Isidore).
- samedi : Jésus, mort, descendu de la Croix et mis entre les bras de la Sainte Vierge (Sainte Geneviève). »
(Présentation de l’ouvrage : https://arssat.info/ancien-site-chemin-de-croix-de-servel...)
15:26 | Lien permanent | Commentaires (0)
17/04/2025
« Je monte vers Gethsémani tout au long de la nuit obscure »
« Ô nuit, odeur de l'agonie ... »
Robert Brasillach, « Gethsémani », Les Poèmes de Fresnes, par Pierre Fresnay
SELON MATHIEU. Je monte vers Gethsémani tout au long de la nuit obscure. La nuit est longue, la nuit dure, Ô nuit, odeur de l'agonie. Autour de moi rien ne subsiste de tout cela que je rêvais. Jusqu'à la mort, mon âme est triste, mon âme est triste, il faut veiller.
SELON MARC. Père, est-il vrai que vienne l'aube ? Qu'approche celui qui me livre ? Que ce calice se dérobe ! Que le matin me laisse vivre. Mais s'il faut bien que je m'apprête, si nul ne peut rompre mes chaînes, que votre volonté soit faite, la vôtre, Père, et non la mienne
SELON LUC. Les miens sont endormis encore, accablés sous l'immense peine. La sueur coule de mon corps, le sang s'écoule de mes veines. Est-ce un Ange qui vient vers moi ? Ses paumes sont douces et fortes, il rafraîchit mon désarroi, il me parle et me réconforte.
SELON JEAN. Si viennent juges et vendus, Père, je pourrai leur jurer. Que personne ne s'est perdu de ceux qu'on m'avait confiés. J'aurai gardé de l'aventure ceux-là qui ont su m'écouter. La nuit est longue, la nuit dure, mais j'y maintiens cette fierté. Si longue soit-elle et si dure, en souvenir de l'agonie, Seigneur, et de ta nuit obscure, sauve-moi de Gethsémani !
Robert Brasillach, 3 février 1945.
18:00 | Lien permanent | Commentaires (0)
05/04/2025
« Ceux à qui Dieu a fait la grâce de le croire, et de le ressentir véritablement, haïssent ce monde comme une terre non seulement étrangère, mais comme un Enfer, et comme un lieu habité par les Démons et maudit de Dieu »
« (…) Nul chrétien tant que le prêtre, [n’]est en danger de périr après qu’il est bien entré dans la prêtrise, et de la part de Dieu et de la part des hommes, s’il ne veille continuellement sur soi-même, et n’est plus séparé du monde dans son cœur, que le monde ne l’est du Ciel. Ce qu’il ne saurait faire, s’il n’est durant toute sa vie habitant du Ciel, et voyageur dans le monde.
« C’est la qualité que doivent avoir tous les fidèles chrétiens, puisqu’on voit en la personne d’un homme qui voyage toutes les conditions d’un vrai chrétien. Le voyageur ne s’attache ni à la beauté des campagnes, ni à celle des châteaux et des belles maisons, ni aux compagnies, ni aux lieux où il mange et où il repose le jour et la nuit, ni même aux chevaux sur lesquels il voyage, et qui ne sont pas à lui. Il n’a le cœur qu’au lieu où il va, et au pays d’où il est sorti, et où il retourne pour y habiter, et vivre en repos avec ses parents et ses amis le reste de sa vie. C’est l’image de l’homme qui ne tend qu’au Ciel, et ne s’attache à rien de ce qui est sur la terre, quelque beau qu’il paraisse, tandis qu’il vit dans un corps mortel, qui s’écoulant à tous moments, le fait marcher plus vite vers le Ciel où est son cœur et son trésor, que ne font ceux qui voyagent dans les navires sur la grande mer, ou en la terre sur les animaux les plus vites.
Il y a encore cela de plus, que devant la venue de Jésus-Christ, nous étions tellement étrangers à l’égard du Ciel, que nous ne savions pas ce que c’était que le Ciel, et la plupart même des juifs l’ignoraient aussi bien que les autres. Mais Jésus-Christ est venu, pour nous apprendre que c’était notre pays, et que nous avions été chassés de cette terre étrangère, comme dans le lieu de notre exil. Ceux à qui Dieu a fait la grâce de le croire, et de le ressentir véritablement, haïssent ce monde comme une terre non seulement étrangère, mais comme un Enfer, et comme un lieu habité par les Démons et maudit de Dieu, et n’ont point d’autre passion que de retourner au Ciel, qui est leur véritable patrie, et qui est encore plus, l’héritage que Jésus-Christ leur Père leur a acquis et donné par testament au jour de sa mort. C’est lui qui a parfaitement vécu sur la terre comme un passant, et qui est le grand Prêtre, par la mort duquel nous avons été délivrés de la captivité où nous étions dans une région étrangère, mais même de l’ignorance de notre propre pays, et de tant de biens qui nous y sont réservés. C’est sur lui qui est maintenant dans le Ciel, et sur cette vie humaine et divine qu’il a mené sur la terre, qu’il faut avoir toujours les yeux arrêtés. »
Lettre de messire Jean Duvergier de Hauranne, Abbé de Saint Cyran, à un ecclésiastique de ses amis, touchant les dispositions de la prêtrise. Chap. X, « Que la vie d’un chrétien, et encore plus d’un prêtre, doit être semblable à celle d’un voyageur. » (1648)
18:45 | Lien permanent | Commentaires (0)
"L’âme qui marche seule et sans directeur" (Saint Jean de La Croix)
« Il vaut mieux être chargé de peines en la compagnie de celui qui a de grandes forces, que déchargé de souffrances en la compagnie de celui qui a beaucoup de faiblesse. Lorsque vous souffrez, vous êtes proche de Dieu, qui est votre force, car il est près de ceux qui ont le cœur affligé (Psal., XXXIII, 19). Mais lorsque vous êtes exempt de croix, vous êtes très-proche de vous-même, qui êtes votre propre faiblesse, parce que la vertu et la force de l'âme s'augmentent et s'affermissent dans les afflictions les plus dures.
Celui qui veut vivre sans direction d'aucun père spirituel ressemble à un arbre qui est planté seul dans un champ, et qui n'appartient à personne. Tous ceux qui passent par là enlèvent ses fruits avant même qu'ils soient mûrs.
L'âme qui marche seule et sans directeur, dans les voies spirituelles, est semblable à un charbon allumé, mais séparé des autres, lequel, au lieu de s'embraser davantage, s'éteint tout à fait.
Celui qui va seul et sans guide, et qui tombe seul en chemin, demeure seul en sa chute, et il montre bien qu'il fait peu d'état de son âme, puisqu'il ose se fier à lui-même. »
Saint Jean de La Croix, Sentences spirituelles.
11:35 | Lien permanent | Commentaires (0)